Le portefeuille béant d'un mécène libriste

Beaucoup d'internautes et de libristes francophones ont, comme moi, été harangués par la seconde campagne du Pack Liberté. Même chez Cyrille ça remue. Souvenez-vous : il faut sauver les chatons des Intertubes, sinon l'Internet et les Logiciels Libres vont mourir et tout ça sera de ta faute, gros radin égoïste.  Bien que je milite corps et biens pour le mécénat comme paradigme économique, que je m'engage dans bon nombre d'initiatives visant à promouvoir le Logiciel Libre et la Neutralité du Net, que je les plébiscite dès qu'il m'est possible de le faire, j'ai saturé. Lorsque Numerama titre qu'il y a eu deux fois moins de dons pour la défense du Net et du Logiciel Libre par rapport à la précédente campagne, je m'emporte et j'en ai ma claque.

En effet, une telle assertion (les libristes et les internautes sont une bande de malandrins qui veulent consommer --- du Libre et de l'Internet --- en se touchant les parties génitales virtualisées) laisse croire qu'il n'y aurait que ces trois associations (La Quadrature du Net, l'April et Framasoft) pour défendre ses intérêts, ce qui me choque. D'une autre manière, cela induit que la seule manière de contribuer à cette défense est d'allonger l'oseille --- ce qui n'est à ce moment plus spécifique à ces associations, mais généralisé (FSF, EFF, ...) dans les domaines concernés. Le libriste et l'internaute sont des créatures peuplant les Intertubes auxquelles il est régulièrement demandé d'ouvrir le portefeuille.

Concernant la campagne du Pack Liberté, j'ajouterai plusieurs éléments qui m'ont éminemment dérangé :

  • l’auto-institution des trois acteurs concernés ne leur confère aucune légitimité de faits, alors qu'ils ont eu tendance à se présenter comme un passage incontournable pour la défense de la veuve et de l'orphelin, pardon, des libristes et des internautes ;
  • le spam et la démagogie ne sont en aucun cas des vecteurs de communication que je respecte, la campagne dans son ensemble a manqué de clarté (où iraient mes deniers, à quoi serviraient-ils ?) ;
  • reductio ad nummum, seule l'ouverture du portefeuille est mise en avant, aucun moyen d'aide annexe n'est proposé.
Alors que pullulent toute une série d'associations, de LUG, ou que chacun peut à son échelle donner de sa personne et de son temps en sensibilisant son entourage, participer à des échanges de compétences, agissant au mieux auprès de ses cercles sociaux, professionnels, familiaux ou étudiants, je me suis senti insulté en tant que libriste et militant qu'aucune alternative ne soit valorisée, même un peu.

Comme l'a si bien dit Martin : "Moins de chats, plus de contenu !" J'en ai eu profondément marre des chatons et de l’autoglorification de la campagne du Pack Liberté. Marre des nécessités pécuniaires qui prennent le pas sur les actions menées ou les revendication elles-mêmes. Marre de la mendicité quand je donne déjà de ma personne, même si je me sens coupable de ne pas avoir assez de temps dans ma vie estudiantine pour en faire plus, je n'ai pas besoin qu'on me le rappelle. Imaginez celui qui tous les jours participe à la Soupe Populaire, irez-vous l'accuser de ne pas en faire assez, que c'est de sa faute s'il y a des pauvres dans la rue, parce qu'il ne donne pas d'argent (le monstre ignoble) ?

Alors, libristes, internautes, si vraiment vous tenez à faire avancer, je vous en prie, agissez au lieu de vous donner bonne conscience par un obscur don qui va on-ne-sait-où, servir à on-ne-sait-quoi-mais-c'est-bien. J'entre en plein dans la dichotomie du don de temps et de compétences face au don d'argent (ce qui en soi est assez incompatible). Libriste, ce n'est pas ce que j'ai envie de défendre ; je donnerai mon temps, j'apprendrai, j'aiderai, j'enseignerai tant qu'il faudra, mais qu'on ne me demande pas de réduire mon action militante à l'état de mon portefeuille, il n'a rien demandé et, qui plus est, il est complètement à sec donc c'est peine perdue.